Les bonnes conteuses

Que fait nounoulau le samedi dans les beaux quartiers de Marseille? Une étude sur la déco urbaine contemporaine?


Pas du tout!
Une formation sur les contes et histoires à raconter. Avec une petite dizaine d’assistantes maternelles motivées, nous avons entrepris de nous perfectionner dans ce domaine, dans lequel nous baignons déjà allègrement. J’entends les remarques assassines: pourquoi faites-vous ce genre de formation? Peine perdue? Quelle idée de gâcher ses samedis avant noël alors que les magasins bondés et décorés vous font de l’œil? Quelle idée d’avoir choisi ce sujet vous qui racontez des histoires depuis tant d’années à tant de marmots.
Eh bien, justement. A travers les différents motifs qui nous ont réunies autour de notre formatrice, Julie Benoît, conteuse professionnelle, on retrouve le même engouement à sortir des sentiers battus, à découvrir de nouvelles astuces, à perfectionner nos techniques
, à s’inspirer de l’expérience des autres. Journées riches en découvertes et en rencontres profitables, je viens brosser à grands traits quelques pistes.

La formation se déroule en deux journées de 9h à 18h, chapeautée par le centre de formation EI Groupe Eclipse, proposée par l’association ARDEPAMF13. Julie est conteuse et ergothérapeute, elle a longtemps travaillé en CAMS (Centre actions médicosociales précoces) pour l’intégration des enfants en situation de handicap. Son timbre de voix est doux et sa patience ne laisse pas notre enthousiasme dépasser les limites.
Après le temps incontournable du thé et des petits gâteaux et des présentations de rigueur, nous entrons dans le vif du sujet avec une « mise en bouche »: petits exercices de vocalises, chansons connues de toutes en en variant les nuances, explorant les rythmes et travaillant l’écoute. Comptines pour dire bonjour, comptines pour se présenter, nous voici jouant le rôle des enfants, à la découverte de nouvelles paroles. Bien sûr, on dégaine les portables, pour reprendre à la maison les airs inconnus, les jeux de doigts inédits.

Vient ensuite, une petite partie de théorie où Julie nous rappelle les bienfaits des « comptines de nourrices » sur le développement de l’enfant : elles aident à l’éveil, donnent le goût à la parole, aident à structurer la pensée, à exercer la mémoire. Les jeux corporels stimulent, aident à la coordination, à l’expérimentation, à l’imitation, et permettent d’élaborer un langage avant la langue, une compréhension du schéma corporel et une possibilité de varier l’échange (en dehors des cris et des pleurs). Ces premiers échanges permettent aussi de construire la relation à l’autre.

Un autre point important du conte est le rituel. Le rituel permet de passer de l’inconnu au familier. Il permet d’apprivoiser l’inconnu, de lier la nouveauté aux connaissances plus familières. Au delà des petits rituels enfantins, les rites accompagnateurs permettent de découvrir et d’évoluer dans toute une vie.

Nous révisons, au fil des exemples que nous donne Julie les différents genres du conte:
les contes merveilleux (ou contes de fées, monde imaginaire), les contes fantastiques (qui commencent dans le monde réel et où le surnaturel surgit), les contes de randonnées (dont le motif de base se répète dans une succession ou une accumulation), les contes d’animaux (où les humains ne sont que figurants), les contes de sagesse (avec une morale transmise), les contes étiologiques (qui expliquent l’origine des choses de façon plus ou moins réaliste, incitent à la méditation), les contes de menteries (mensonge évident, plaisir de l’absurde, du farfelu), les contes facétieux (dont l’élément principal est l’humour).

On peut faire une séance de conte avec des outils (marionnettes, objets) ou pas. Ce qui est important quand on propose une séance, c’est de prévoir une introduction pour poser le public (jeux de doigts, comptine de bonjour, formulette facile à répéter) et une conclusion pour l’informer que la séance est bien terminée. Éviter de présenter un conte de façon brutale. Il est important de bien placer sa voix (ni trop doux, ni trop fort) et d’alterner les séquences et les rythmes, entre parole, chant, geste et matière. Afin d’obtenir l’attention, mais aussi la participation des enfants.


Nous avons aussi découvert l’usage du kamishibaï (entre autre adjuvant au conte), une façon de raconter qui vient des conteurs itinérants du Japon, dans un cadre de bois façon petit théâtre où on fait défiler des illustrations. L’imagination de nounoulau bouillonne déjà de nouveaux projets! De là à créer nos propres contes, qu’il n’y a qu’un pas!

Tous ces apprentissages sont également alternés pour nous de séances de pratique. Julie, suivant ses propres conseils, ne laisse pas de temps mort ni de monotonie dans cette formation.
Nous devons, par petits groupes, créer un conte en suivant les étapes vues plus haut (conte sur un sujet qui concerne l’enfant, intégrations de ritournelles, coupures avec des comptines, diverses voix, gestuelle, etc…), puis les présenter à nos collègues. Nous avons l’habitude d’agir ainsi avec des enfants, notre public favori, mais le fait de nous retrouver entre adultes nous rend un peu godiches. Nous voilà lancées dans de timides représentations, entre autodérision et volonté de progresser sérieusement. Mais petit à petit, l’émulation porte ses fruits. Chacune apporte son expérience, avance ses suggestions. Les petits contes progressent… et font de grandes histoires! Nous devons présenter des livres, de façon vivante, sans lire ni plonger le nez dans les pages. Nous devons travailler notre panel de voix de personnages. Nous devons apprendre à nous dégager des décors et des marionnettes, les utiliser sans qu’elles encombrent nos mouvements ou notre inspiration.


Au fil des séances, nos techniques s’améliorent. Notre timidité se délite et nous osons de mieux en mieux nous comporter en conteuses sans inhibition. Julie est toujours de bon conseil et propose toujours d’améliorer au lieu de poser une simple critique. Cela détend l’atmosphère et quand un exercice est finalement bien réalisé, nous nous congratulons sans modération. Les formations sont faites aussi pour rencontrer, échanger, évoluer, quel que soit le sujet.

Parfois, il m’arrive quand même de rire à l’idée que nous pourrions être observées par les passants voitures lancées à toute allure sur la passerelle: des adultes à quatre pattes ou pieds en l’air, mains sur la tête, quelle drôle de formation.

En vrac pour aller plus loin

Carole Bourgine Geai, psychologue, Direction Départementale de l’Éducation Nationale des Yvelines, Groupe Maternelles.


Valérie Josselin, « Tous les bienfaits des contes », Femina

Éditions  École des Loisirs, collection « A petits petons », Éditions Bordas, Édition Seuil , collection « Petits contes du tapis »

Conteuse formatrice Agnès Hollard,

Conteur formateur Ralph Nathaf

Julie Benoit: http://lafabriconteuse.e-monsite.com/pages/les-contes.html


 

8 comments on “Les bonnes conteuses

  1. Bonjour Laurie,

    Je te remercie Laurie notre grand reporter, pour les photos, ces 2 journées ont été très enrichissantes, pleines de découvertes.
    Le groupe a été très bien, la formatrice parfaite.

    Je vous embrasse toutes
    nini

  2. Bravo et merci pour ce reportage passionnant.
    Cette formation va, sans aucun doute, booster ta créativité déjà
    bien réelle.
    Un grand merci pour ce nouveau partage.

  3. Merci Laurie pour ce compte rendu ! Cela permet de garder une belle « trace » pour nous, et de partager avec les collègues -pour les convaincre de se former encore et toujours!!- et avec les parents (qui se demandent peut-être ce qu’on fait concrètement lors de ces formations, ne vont pas être déçus LOL), BRAVO continue ! C’était une formation extra, très enrichissante, merci encore à Julie et à toutes les collègues, à très bientôt j’espère (pour le kamishibaï ?!!)

  4. tu es super en tant que conteuse et comme journaliste tu as vraiment explique notre formation qui a été super enrichissante et surtout sympathique et j’espère que sa va donner envie a des asssistantes maternelles merci encore bises

    • Merci pour les compliments et je te les retourne! On s’est toutes racontées de belles histoires… si la mer était de l’huile, les cailloux du petit salé…

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