Les bons contes…

C’est la période de Noël, propice aux spectacles et aux séances de contes, organisées dans les bibliothèques pour les petits et tout petits…


C’est un effort louable de la part des Mairies ou des Associations et souvent je viens conter nos émois et nos joyeuses découvertes, partager de bonnes adresses, vanter les belles aventures. Une fois n’est pas coutume, j’ai envie de faire part d’expérience plus mitigée, bien sûr à prendre avec une bonne dose d’humour…

Nous voilà attirées comme des aimants par l’alléchante proposition d’assister à un conte de Noël ouvert aux assistantes maternelles dans une bibliothèque de la région. Qui dit assistantes maternelles en période hors vacances scolaires, dit public de moins de trois ans. Point de laissé pour compte. Nous débarquons sur le parking de la bibliothèque, en cortège de poussettes doubles, voire triples, de maxi cosy pesant une tonne, de sacs à langer débordant de biberons, couches et hochets, une bonne vingtaine de minutes avant le début de la séance. Car nous savons qu’il nous faut compter tout ce temps pour installer notre barda et nos précieux bambins, avant de pouvoir prêter attention à la conteuse. Il y a toujours le caca de dernière minute fait sur le trajet , le biberon surprise qui devait être pris dans une heure mais que bébé réclame, le grand timide qu’il faut briefer sur son coussin oui-nounou-reste-là-non-je-te-laisse-pas-le-spectacle-va-être-super,… et on est loin du compte, la routine pour une bande d’assmats aguerries.


Mais l’organisation de la bibliothèque ne l’entend pas de cette oreille. Sans prendre en compte tous ces détails. Dix heures, c’est dix heures, pas une minute de moins et nous devons patienter devant la porte close avec nos bébés braillards (ben oui, le cosy ne vibre plus comme en voiture?), et nos loustics excités qui sautillent dans les escaliers ou tentent de grimper sur les barrières de sécurité. En fin de compte, à l’heure pile, nous pouvons pénétrer dans le saint des saints… et découvrir que, comme dans bon nombre de bibliothèques, la section jeunesse se trouve à l’étage sans ascenseur. Embouteillage de poussettes dans l’entrée. J’observe avec amusement les escaliers aux marches ajourées et aux rampes munies de barreaux transversaux. Ce qui est interdit chez nounou ne l’est pas dans un lieu public pourtant destiné aux plus jeunes.


La bibliothécaire affiche un sourire de façade, qui se fissure peu à peu. Elle commence déjà à regretter d’avoir organisé cette séance et ouvert la porte à 10h… et elle est loin du compte! Il faut au moins quinze minutes à la troupe pour se débarrasser des mini-manteaux, moufles, bonnets et écharpes (eh oui, les contes de Noël c’est en hiver) et pour brasser dans les escaliers. Compte tenu des assmats qui ont trois ou quatre bébés et seulement deux bras, et des bébés qui ne s’en laissent pas conter et ne veulent pas monter avec une inconnue, cela fait bon nombre d’allées et venues. Sans compter les cacas que nous n’avons pas pu changer sur le parvis et les chauffe-biberons qu’il faut brancher sur la multiprise de l’ordinateur. Et si on faisait griller les plombs de la bibliothèque avant de faire sauter ceux de la bibliothécaire?


En fin de compte, on finit par se tasser sur le tapis, au pied du petit décor de Noël organisé avec soin. Nos plus grands, avec force recommandations, acceptent de se poser sur les jolis coussins étoilés. Nos plus petits sur les genoux ou dans les bras, nous nous calons contre les rayons de livres et emboîtons les maxi cosys vaille que vaille. Le compte est bon. La séance va pouvoir commencer : 10h30 ! Avant cela, nous écoutons religieusement le laïus de la responsable qui nous demande de nous taire, d’écouter la conteuse, de ne pas bouger, de ne pas téléphoner, de ne pas respirer… ah non, je conte des sornettes. Puis, elle s’assoit face à nous, l’air inquisiteur et dès qu’un loupiot fait mine de ramper, elle se précipite pour le remettre en place ou lancer un regard de reproche à la nounou sans réaction encombrée de nourrissons.

Le spectacle commence.
La conteuse est vraiment très pro dans son décor de Noël, avec ses marionnettes et ses effets spéciaux lumineux, ses confettis et sa douce voix. Le conte est très joli, il parle d’animaux, de cadeaux, de magie de Noël. Chaque étape est entrecoupée de chansons afin de rompre la monotonie. Bref, tout est parfait. Mais ça dure trente minutes sur le même thème, le même tempo.


Si on fait le compte, un tiers des mini-spectateurs arrive à rester en place, car ils trouvent leur compte dans les contes. Mais il ne faut pas laisser pour compte les inquiets qui passent leur temps à se retourner, il y a les curieux qui voudraient ramper vers les jolies décorations et les marionnettes rigolotes (protégées par une délimitation au sol et une table, et le cerbère sur le côté), il y a les dégourdis qui commentent l’histoire (à qui on dit « chut »), il y a les nourrissons qu’il faut nourrir et bercer, coincées entre deux rangées de BD, il y a les petits qui ont l’habitude d’une interaction constante, ceux qui écoutent et ont besoin de jouer en même temps, ceux qui n’écoutent pas car les aventures de l’ourson sont trop compliquées…

La séance se passe tant bien que mal, les deux ans sauvent l’honneur assis sur leur coussin. On s’en tire à bon compte. Dès les applaudissements éteints, on nous somme de filer car les horaires sont chamboulés et d’autres spectateurs patientent dans le froid à cause de notre escadron de choc. Compte à rebours. Le chahut de l’escalier recommence en sens inverse. Chaque blouson retrouve son bambin, pas une moufle ni une tétine n’a été égarée dans la cohue (nous sommes des professionnelles), et nous dégageons sous les commentaires désolés de la conteuse qui a bien compris qu’il y avait erreur de public.

Les moins de trois ans ne se comportent pas comme des scolaires capables de rester assis de longues minutes, cela étonne encore beaucoup de gens, même parmi les professionnels de l’enfance. Les moins de trois ans sont en mouvement perpétuel, en découvertes de chaque instant, nature peinture. Les moins de trois ans demandent une patience et une attention de tous les instants. Les moins de trois ans ne sont pas formatés, quelle aubaine! Nous avons parfois le sentiment de passer pour une bande de malpolis… alors que simplement, nous ne sommes pas encore policés.

Au bout du compte, les enfants sont contents, ils n’ont pas ressenti les crispations des adultes. C’est une expédition comme une autre pour eux. A la maison, à table, nous reprendrons ensemble les aventures de l’ourson et ses amis de la forêt, entre deux bouchées de bouillie, et les petits se rappelleront une drôle d’expérience féérique, avec des décors brillants, un ours volant et des escaliers de géant.


2 comments on “Les bons contes…

  1. A quoi servent certaines formations ? de toutes façons un peu de bon sens devrais suffire???
    Bravo les Nounous,vous êtes formidables mais là encore,peux de gens se doutent de l’importance et de la qualité de votre TRAVAIL…!

    • Merci. Oui, on nous regarde souvent d’un drôle d’œil, comme si on ne savait pas « discipliner » nos petits, comme si on prenait trop d’espace, si on faisait trop de bruit… ce qui est le cas, et ce qui est normal! Avant trois ans, c’est la liberté, la découverte, le mouvement! C’est pas l’école!

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