Accueil et mucoviscidose

Que fait nounoulau un samedi à l’hôpital de la Timone en compagnie d’une poignée d’assistantes maternelles de l’association ARDEPAMF ?

Nous sommes accueillies au « Centre de Ressources de la Mucoviscidose » par Cécile, psychologue clinicienne et Nathalie, auxiliaire de puériculture qui animent une journée spéciale pour sensibiliser et former les assistantes maternelles à propos de cette maladie. Après avoir pris l’ascenseur jusqu’au 14e étage et traversé le lugubre couloir de la pédiatrie, que je connais bien pour l’avoir arpenté des heures avec mon fils, nous débouchons sur la section du CRCM pédiatrique de Marseille qui a bénéficié de l’aide de l’Association Grégory Lemarchal : ici, la lumière inonde les pièces, le parquet recouvre agréablement le sol; chaises, bancs et tables colorés remplacent l’inconfortable mobilier hospitalier, de grandes photos de paysages habillent les murs des salles de consultation ou d’éducation thérapeutique. C’est dans cette aile agréablement conçue que sont reçus les enfants atteints de mucoviscidose.

Pourquoi des assistantes maternelles dans ce lieu particulier?

Parce que nous sommes sensibilisées à ce qui touche les enfants? Parce que nous voulons en savoir plus sur cette maladie que les stéréotypes présentés dans les médias? Parce que nous sommes sensibilisées par l’exemple d’une collègue qui accueille un petitou affublé d’une sonde et que nous ne savons pas comment réagir ? Parce que nous même avons eu un enfant atteint d’une maladie? Ou parce que nous pouvons être amenées à accueillir un enfant atteint de mucoviscidose et que nous voulons faire reculer la peur grâce à la connaissance? Les raisons sont multiples et nos hôtes en ces lieux, Cécile et Nathalie, nous ont guidées avec gentillesse et précision.

Après une présentation du CRCM, des équipes et du protocole d’annonce précoce aux familles, nos formatrices nous expliquent ce qu’est cette maladie. Je passe volontairement sur tous les aspects de l’annonce et de la prise en charge et sur les étapes des consultations, car elles concernent surtout les familles. Mais il faut savoir que cette annonce, dès les premiers jours de l’enfant, permet une meilleure prise en charge psychologique, nutritionnelle et améliore la qualité de vie du petit malade et de sa famille.

La mucoviscidose, qu’est-ce que c’est?

C’est une maladie génétique récessive qui touche les organes secrétant du mucus (sphère ORL, poumons, peau, pancréas, foie, intestin, colon, canaux déférents des testicules). Elle est liée à des mutations du gène CFTR sur le chromosome 7, entraînant une altération de la  protéine CFTR dont la fonction est de réguler le transport du chlore à travers les membranes cellulaires. Son dysfonctionnement provoque une augmentation de la viscosité du  mucus et son accumulation dans les voies respiratoires et digestives. La forme clinique la plus fréquente associe troubles respiratoires, troubles digestifs et troubles de la croissance. D’évolution chronique et progressive, la maladie s’exprime souvent tôt dès la petite enfance même s’il existe des formes de diagnostic tardif. Le diagnostic biologique repose sur le « test de la sueur » confirmé par une identification des mutations génétiques. Le dépistage néonatal, généralisé en France depuis 2002 permet un diagnostic et une prise en charge précoce.
Il n’y a pas de traitement curatif mais les progrès de la prise en charge ont permis d’améliorer la qualité et l’espérance de vie des patients. Ainsi en France, l’espérance de vie à la naissance est-elle passée de 7 ans en 1965, à 50 ans de nos jours. C’est une maladie grave, évolutive, chronique et sans traitement curatif. Elle est présente dès la conception mais les symptômes se manifestent à des moments différents de la vie, sous des formes qui varient d’une personne  à l’autre. Il existe plus de 1300 formes connues de mucoviscidose (c’est pourquoi un dépistage anténatal systématique n’est pas possible).

Les enfants atteints de mucoviscidose ne sont pas contagieux ni dangereux pour les autres enfants. Par contre, ces derniers le sont pour les petits malades, c’est pourquoi l’accueil en crèche est impossible, trop risqué. L’équipe médicale conseille alors l’accueil chez une assistante maternelle pour les parents qui souhaitent reprendre une activité professionnelle. Tout en nous expliquant les gestes quotidiens de ces familles, nos formatrices nous rassurent sur ce que l’on attend aussi de l’assistante maternelle. De plus, cette dernière peut porter un autre regard sur l’enfant et permet de prendre de la distance: parfois la famille, prise dans le tourbillon de l’inquiétude et des protocoles, réduit l’enfant à sa maladie. La professionnelle de la petite enfance peut intervenir pour une réassurance des parents, de la famille, de l’enfant, en considérant ses compétences, ses aptitudes, ses progrès, en agissant comme pour les autres enfants accueillis.

Des gestes qui améliorent la qualité de vie : en famille mais aussi chez nounou.

En quoi la « maladie du baiser salé » influence-t-elle la vie familiale, ou l’accueil chez nounou ? Comme on l’a expliqué plus tôt, le corps ne fixe pas le sel, donc ne retient pas l’eau. Le risque principal est la déshydratation. Quand c’est le pancréas qui est touché, cela conduit à une malabsorption des graisses, des problèmes nutritionnels, des difficultés à prendre du poids, des diarrhées graisseuses, des maux de ventre.

Cette maladie ne se soigne pas mais il existe des traitements qui améliorent la vie quotidienne et retardent les effets de la dégradation des organes : pour les poumons et la sphère ORL, des séances de kiné (1 à 3 fois par semaine) de préférence au domicile pour plus de confort et d’hygiène, ces séances sont possibles chez l’assistante maternelle. Pour la digestion: des gélules de créon à donner avant chaque repas contenant des graisses, ce sont des extraits pancréatiques qui suppléent à la défaillance du pancréas et servent à la digestion des graisses. Il faut donc proposer une alimentation enrichie en graisse (lait entier, fromage, crème, beurre). Chez le nourrisson, le créon se donne après ouverture de la capsule, les granules sont associés à de la compote de pomme pour protéger le créon de l’acidité de l’estomac. Pour lutter contre la déshydratation: un apport supplémentaire en sel, dans l’eau et dans la nourriture (vivent les chips et le saucisson!).

Quand les difficultés nutritionnelles sont majeures, on installe une sonde parentérale pour une alimentation nocturne en général (exceptionnellement journalière). Ces soins sont faits par une infirmière à domicile, la sonde est changée toutes les 3 semaines sauf en cas d’arrachage. Si l’arrachage se produit chez l’assistante maternelle, il suffit de retirer la sonde et en informer parents et infirmière.

Depuis la naissance, l’accent est mis sur la prise de poids, l’inquiétude des parents est forte et l’alimentation n’est parfois plus vécue comme naturelle, mais comme une prescription, et parfois un forçage. Cela conduit à un plus grand nombre d’enfants ayant des troubles du comportement alimentaire parmi les petits malades. Le fait de prendre certains repas à l’extérieur du cercle familial, chez l’assistante maternelle (et plus tard à la cantine), permet parfois de dédramatiser.

Les antibiotiques, c’est automatique! Elles permettent de lutter contre les infections pulmonaires et d’éviter la dégradation progressive des organes. Les doses sont donc plus importantes, sur une période plus longue que chez un enfant sans mucoviscidose. Chez l’assistante maternelle, ces prises sont possibles avec une ordonnance.

Hygiène: inutile de verser dans la maniaquerie, les règles de puériculture de base sont à respecter comme dans tous les lieux où on s’occupe en général des enfants. Un ménage normal est attendu, mais il faut penser à désinfecter régulièrement les siphons et bannir l’eau stagnante (aquarium, fleurs coupées). Bien entendu, il faut bannir le tabac de son environnement, éviter de multiplier les jouets en peluche ou les tapis, aérer la chambre et veiller à ce que l’air ne soit pas trop sec… bref, ça ressemble aux conseils de ma référente pour tous les autres enfants accueillis, non?

En conclusion, comme diraient Cécile et Nathalie: « même s’il s’agit d’une maladie grave et complexe, il n’y a rien de plus compliqué dans l’accueil que pour un enfant qui n’est pas malade ».


 

18 comments on “Accueil et mucoviscidose

    • Bah, j’ai essayé de rapporter ce que j’ai compris… et retenu! Je sais que ce n’est pas un exposé très scientifique, mais j’espère que ça en rassurera plus d’une!

    • Merci. C’était vraiment très intéressant. Bien sûr, une fois encore nous n’étions qu’une poignée… mais c’est déjà ça!

    • Oui, on croit toujours que c’est une maladie des poumons car dans les médias on parle surtout de greffe. Mais il y a tant de détails méconnus…

  1. On ne pouvait pas faire mieux pour relater cette matinée , ce qui me faisait peur, ne le fait plus . Je ne regarderai plus jamais notre Coco de la même manière . La question , sommes nous toutes à même, de donner autant pour un enfant qui n’est pas le notre . Magnifique leçon de vie . Patrice .

    • En effet, cette présentation a atteint son but: celui de nous rassurer… mais comme tu dis, il faut beaucoup de courage pour assumer…

  2. Excellent compte-rendu qui permet de voir cette maladie sous un autre angle, plus rassurant.
    Je vois maintenant cette maladie plus clairement, en fait nous ne savions rien du tout.
    Merci
    Danielle

    • Effectivement, de telles journées de sensibilisation sont nécessaires, on ne prend jamais le temps de s’informer tout seul dans son coin. Merci de cette initiative.

    • Bah, je ne fais que rendre compte. Le mérite en revient aux intervenantes de l’hôpital qui ont su nous expliquer avec des mots simples et des exemples concrets… et même si ce n’était pas pour la même maladie, leurs mots résonnaient à mes oreilles et dans mon cœur d’une singulière façon…

  3. Bonjour,

    Pour avoir un enfant de 1 an ayant la muco je confirme que c’est très bien expliqué.
    En effet avoir un enfant muco en garde n’est pas beaucoup plus compliqué qu’un enfant non malade. La prise du traitement est lourd mais cela rentre dans un système d’habitude très rapidement (tel medoc à tel repas…).

    Trouvé une nounou est une vrai galère car la maladie est souvent mal connu et les craintes des assistantes sont là. Je suis dans cette galère en ce moment d’ailleurs dans 2 mois plus de nounou.

    Je rajouterais que les nounous ayant des chiens ne posent aucun soucis (même si c’est mieux s’il y en a pas) mais le cas des chats lui est beaucoup plus sensible car plus allergène.

    • C’est vrai que la maladie (quelle qu’elle soit) effraie, cela se comprend, car on a peur de ne pas faire tout ce qu’il faut. C’est pourquoi il faut faire des formations, de l’information, et ne pas perdre courage!

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