Dans le salon, il y a une grande télé…
…qui reste un écran noir fixé au mur pendant la journée, car je ne suis pas favorable à la transformation de bambins animés en téléphages hypnotisés… il suffit d’allumer un écran pour que le seul qui reste animé dans la pièce soit le dessin.
Un enfant trop souvent scotché à la télévision utilise moins son imagination puisque la télé le fait pour lui et lui propose un univers préfabriqué. L’enfant a besoin, pour se développer harmonieusement, d’activités interactives, qui l’obligent à bouger, à réfléchir, à inventer…
J’ai une vraie réticence pour les chaînes nationales et pour tout ce qui est à la mode et cale les enfants dans des cadres spécifiques. En France, en parallèle des programmes proposés sur les chaînes hertziennes, se sont développées des chaînes thématiques (Tiji pour les moins de sept ans, Playhouse Disney pour les 2-5 ans, Piwi pour les 2-6 ans, et comble de l’hérésie: Baby TV pour 0-3 ans, ce qui chez moi est rédhibitoire).
Elles proposent des dessins animés dont la durée n’excède pas dix minutes, ce qui est logique car l’attention de l’enfant face à un écran n’excède pas ce laps de temps. Mais cela veut dire que pour que le visionnage soit constructif, il ne faudrait proposer à l’enfant qu’un seul dessin animé de 10 mn… et ne pas le laisser assis devant l’écran à voir défiler une kyrielle d’images qui n’ont plus de sens pour son cerveau saturé.
Je pense aussi que les dessins animés soi-disant interactifs, comme « Dora » ou la « Maison de Mickey », le sont rarement : les enfants ne sont pas dupes et ne s’adressent pas à la télé en croyant que le personnage leur répond. Ils attendent passivement que la réponse apparaisse à l’écran.
Vous l’aurez compris, ce qui est à la mode et abrutissant me hérisse… et comme les enfants agissent par imitation, il n’est pas rare de les entendre imiter leur nounou en répétant: « Dora est moche », « Lapin crétin est crétin » « Bob l’éponge est bête »… ce qu’ils entendent chaque fois qu’ils me réclament ces programmes… mea culpa pour le contre-bourrage de crâne.
Quand il construit son identité, l’enfant agit par imitation et identification. C’est une étape normale, il s’identifie aussi bien à des personnes réelles qu’à des personnages imaginaires. Mais un enfant qui est surexposé aux écrans, est influencé dans son tempérament, dans sa façon d’être, par la personnalité des personnages de fiction. Je le remarque souvent aux petites filles qui regardent des dessins animés avec leurs parents, elles veulent être la « Reine des Neige » ou « Blanche Neige » (merci le marketing). Je trouve ça réducteur quand c’est systématique. Parfois, je rue dans les brancards et je leur propose des déguisements fabriqués par mes soins qui ne sont pas des princesses Disney : je leur dis tu peux être une princesse, ça fait rêver, mais aujourd’hui, tu seras « princesse-toi-même ».
Il existe deux sortes de façon de regarder la télé : le visionnage actif pendant lequel l’enfant est confortablement installé et reste concentré devant l’écran, ce qui est un signe positif. Mais il existe aussi le visionnage passif, quand la télévision est allumée et que l’enfant joue dans la même pièce, il peut alors entendre des mots ou voir des images qui peuvent le perturber. Ce qui peut paraître anodin à un adulte ou un enfant peut être ressenti différemment par un bébé qui ne peut s’exprimer. Je suis vraiment intraitable sur ce point : pas d’écran sans surveillance ni de programme inadapté. Mes propres enfants n’ont pas le droit d’allumer la télé si les petits que j’accueille sont dans la pièce (par télé, j’entends tout ce qui peut se passer à l’écran, programmes des chaînes, ou jeux vidéos).
L’écran est un risque d’addiction. L’enfant est naturellement attiré par les mouvements, les sons, les couleurs proposés par la télé ou les jeux vidéos et incapable de se raisonner. C’est l’adulte qui doit doser l’exposition. Un enfant qui passe trop de temps devant la télé en passera aussi plus tard, il crée une dépendance. Il existe des signes de surexposition : il se réveille souvent la nuit, il pleure souvent pour des broutilles et il est difficile à consoler, il manque d’attention, il ne parle pas beaucoup.
Mon propos englobe tout type d’écran, que ce soit la TV ou les tablettes ou les jeux vidéos spécifiques aux bébés. Autour de moi, j’entends souvent des parents qui sont ravis des jeux éducatifs proposés sur écran et la facilité avec laquelle leur enfant y réussit. Certes, cela développe sûrement certaines connexions neurologiques. Mais je reste convaincue que faire un puzzle ou un coloriage sur un écran ne remplacera jamais le développement psychomoteur et la patience procurés par le fait de manipuler, de toucher, de faire pivoter des pièces de puzzle ou des crayons entre ses doigts. C’est peut-être une réaction de Cro-Magnon, mais je l’assume.
Dans ma maison, les enfants de moins de deux ans ne regardent donc pas la télé ni de jeux vidéos.
Par contre, après l’âge de deux ans, je ne suis pas un despote de l’écran noir : je propose parfois un DVD (dont je connais et cautionne le contenu… parfois par cœur…), en petites séquences, mais cela reste exceptionnel. Les plus de deux ans ont droit à un épisode ou deux de ces gentils héros… pendant la sieste des bébés.
Je suis toujours présente pendant que les enfants regardent la télé, elle ne sert pas de nounou de substitution, et je commente ou j’explique au gré des questions des enfants. Si l’enfant est trop passif devant le défilement des images, je suscite la diversion en posant moi-même les questions ou en faisant des commentaires.
Vous aurez compris que je suis une nounou de l’action plus que de la contemplation… chacun ses petits travers.