Nounou or not nounou?

 

Lorsque j’ai commencé à travailler comme assistante maternelle, toute fraîche émoulue de 120 heures d’une formation très académique, je m’étais dit que jamais, ô grand jamais, je ne me ferais appeler « nounou ». Ce terme nous était présenté par les formatrices comme à la limite du péjoratif et très éloigné du côté policé et ultra-pro qu’on prétendait attendre de la nouvelle assistante maternelle distante et technicienne, version revalorisation de la profession.

Exit le petit mot doux « nounou ».

Les premières familles avec lesquelles j’ai commencé à travailler ne l’entendaient pas de cette oreille et m’appelaient copieusement « nounou ». Cela m’horripilait et les circonstances allaient dans mon sens : de l’enfant nouvellement arrivé à l’âge de 2 ans qui cherchait désespérément son ancienne « nounou » quand sa mamie lui disait : « Mon chéri, dis bonjour à nounou », à la maman qui s’adressait carrément à moi en m’appelant ainsi : « Bonjour nounou, vous avez passé un bon week-end ? », ou pire encore, en utilisant la troisième personne : « Comment elle va nounou ce matin? », ou pire du pire : « Mon chéri, dit au revoir à LA nounou! »
Je n’aimais pas le côté anonyme et interchangeable du mot « nounou » (côté qui rassure pourtant certaines mamans) et qui faisait que je n’étais pas la-personne-privilégiée-dévouée-à-l’accueil-d’un-petit-chéri, mais bien « la-nounou » choisie parmi tant d’autres, pour l’attrait de ses tarifs, pour la proximité de son lieu d’accueil, et enfin parce qu’elle est bien sympa quand même, celle-là. (Je le sais, j’ai été parent-employeur bien avant d’être nounou.)
J’avais beau opposer une résistance farouche, imposant «LAURIE» dans les conversations, les parents n’avaient de cesse de m’appeler « nounou » et les enfants se débattaient sans cesse avec le « R » de mon prénom et m’appelaient au mieux « Louis », au pire « Lolo ». Cependant, comme je n’ai ni l’étoffe ni le coffre d’une Brigida ou d’une Ferrari, ce petit surnom en laissait plus d’un perplexe.

Depuis, les années ont passé, les petits chéris aussi, et le petit nom « nounou » est resté.


Avec l’âge on s’adoucit, peut-être, on arrondit les angles (en même temps que notre silhouette…) et j’ai fini par trouver de l’attrait à ce surnom. Tout d’abord, et c’est vraiment le plus important, il est si simple à prononcer pour les bout’choux, il se glisse tout gentiment sans effort sur leur petites gencives à moitié édentées, il est tout doux en bouche comme un doudou, un nounours en chocolat bien moelleux. Et le moelleux a son charme (si, si j’insiste, au propre comme au figuré !).
Ensuite, le terme nounou est le diminutif de « nourrice » et, malgré les beaux discours professionnels qui tendraient à le détrôner au profit d’« assmat » (à vos souhaits !), il ne faut pas oublier qu’historiquement, la nourrice est l’ancêtre de l’assistante maternelle. Nourricière. Je place dans ce terme, beaucoup de respect et d’admiration pour le métier magnifique de cette femme qui prenait soin du tout petit être vivant qu’on lui confiait, le réchauffait et le nourrissait de son lait (qui parle encore de lolo ?) et veillait à sa survie dans un monde où la mortalité infantile était terrible.

« Nounou » devient alors un joli nom connoté de façon accueillante, chaleureuse et réaliste, car c’est effectivement ce que je fais à longueur de journée : nourrir les petites bouches affamées avec du lait ou des purées, mais aussi nourrir de mots, de chants, d’expériences, de jeux, de rires et de câlins. Car pour bien se développer, un enfant a autant besoin de lait que d’affection. Et peu importe si le mot « nounou » paraît désuet et peu professionnel, peu importe s’il est interchangeable entre toutes les nounous, car s’il contient toutes ces bonnes choses, il peut s’appliquer au plus grand nombre d’entre nou-nous.

P. Duval Le Camus, La nourrice, ancienne collection du roi Louis-Philippe, Paris musée du Louvre

 

 

 

 

 

2 comments on “Nounou or not nounou?

  1. Je viens de lire ton article et je reste sur le fait que je ne suis pas une nounou :) J’aime que les enfants me nomme Maryse, c’est tout moi en entier Maryse et j’adore leur hésitation à prononcé mon prénom, mais je te comprends et merci pour ton article encore une fois.

    Maryse

    www.bricole-et-parlotte;com

    • Bien sûr, je te comprends! Moi-même j’étais radicalement opposée à l’emploi de ce surnom, il n’y a pas si longtemps… moi-même je suis fort attachée à mon prénom…
      Mais j’ai fini par trouver un côté logique pour les enfants, une petite nomenclature dans les rapports humains. Car de prime abord les enfants petits ont l’habitude de classer les gens par leur rôle plus que par leur prénom : il y a la maman, le papa, les taties, les tontons, les papys, les mamies, la maîtresse, pourquoi pas la nounou? Cela crée un petit lien spécial, en plus d’être Laurie, je suis « leur » nounou… et j’avoue… en ce moment, j’ai une pitchounette qui me fait carrément fondre quand elle le prononce!

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