Gérer les situations difficiles (1)

Savoir gérer les situations difficiles chez l’enfant… quelle assistante maternelle, ou quel parent, ne rêve pas de posséder la réponse?

C’est pourquoi j’ai suivi une formation fort intéressante (toujours dans le cadre du DIF, stages dispensés par l’organisme ECLIPSE, proposés par l’association ARDEPAMF 13) à ce sujet. Trois samedis durant, j’ai retrouvé mes collègues de Miramas, les pains au chocolat et les litres de thé savoureux, sous la houlette de Brigitte Daniel, une intervenante que j’ai trouvée très adroite dans sa façon de travailler: certes, elle avait apporté ses documents et la trame dactylographiée de son exposé, mais elle a su être à l’écoute de nos commentaires et autres remarques et les intégrer totalement au déroulement de son cours, (tout en recadrant ses ouailles sur les rails quand nous partions dans d’infinies digressions sur le métier!) Nos exemples quotidiens, nos histoires vécues sont devenus des exemples collectifs, des « cas d’école » que nous avons décortiqués, analysés ensemble, ce qui rendait extrêmement vivantes les longues journées à rester assises et un enseignement qui aurait vite pu tourner au pensum.
De plus, j’ai apprécié la grande culture de notre formatrice qui connaissait son sujet sur le bout des doigts et nous incitait très souvent à approfondir nos connaissances en faisant référence aux professionnels, penseurs, pédopsychiatres, pédagogues, qui avaient travaillé et réfléchi au sujet bien avant nous!
Bien entendu, à l’issue de ce module, certaines ont eu l’impression de rester sur leur faim (intellectuelle, car pour ce qui est des chouquettes et autres gourmandises, nous avons été comblées!), car nous n’avons pas eu de conclusion clés en main, avec des réponses types à apporter à chaque situation difficile. Cependant, notre formatrice nous a permis d’approfondir notre réflexion, d’éviter certains écueils, elle nous a ouvert des voies, donné des pistes pour travailler avec une meilleure conscience des besoins de l’enfant et nous a donné envie de nous améliorer en réfléchissant à nos propres comportements.

Voici les grandes lignes de ce projet : GÉRER LES SITUATIONS DIFFICILES DE L’ENFANT.
Le sujet initial se proposait de traiter « le divorce et le deuil », mais nous avons fait un tour d’horizon de bien d’autres situations auxquelles peuvent être confrontés les enfants, de la séparation d’avec maman, à la peur du noir en passant par le handicap ou la maladie. Dans cet article, je citerai à la fois mes notes personnelles et le memento rédigé par Brigitte Daniel, afin de proposer un résumé que j’espère digeste!


LES BESOINS

Dans un premier temps, nous avons longuement évoqué le développement de l’enfant qui se construit à travers les interactions avec les autres, et nous avons fait un rappel des besoins de l’enfant : l’assistante maternelle (mais aussi chaque adulte responsable de l’enfant, bien sûr, cette formation nous étant destinée, nous en avons été les principales intéressées) doit permettre à l’enfant de satisfaire ses besoins fondamentaux, les connaître permet de comprendre le comportement de l’enfant.


Selon le dictionnaire, « le besoin désigne une exigence de la nature ou de la vie sociale supposant un assouvissement rapide. »
On distingue : les besoins vitaux (si on n’y répond pas, on meurt), les besoins fondamentaux (si on n’y répond pas, on ne se développe pas, leur non-satisfaction dans l’enfance peut entraîner  des troubles du développement et l’impossibilité de faire face aux événements et aux contraintes de l’existence), les besoins artificiels (si on n’y répond pas, on peut vivre et se développer quand même).

La pyramide de Maslow classe ces différents besoins par ordre de priorité:

Niveau 1 : Les besoins physiologiques
Ils doivent être satisfaits (manger, dormir, respirer, évacuer, etc). L’enfant a besoin de se sentir physiquement et psychologiquement en sécurité.

Niveau 2 : Le besoin de sécurité
Si l’enfant est sécurisé physiquement, il pourra se développer. Quand il se rend compte qu’on accorde de l’importance à ce qui lui arrive, il sent qu’on accorde de l’importance aussi à sa valeur personnelle, ce qui favorise le développement de son estime de soi. La sécurité affective est une base pour l’enfant. Pour cela, il lui faut un cadre rassurant, tant au niveau des personnes qui l’entourent, qu’au niveau des lieux. L’ enfant a besoin de repères pour se structurer. La sécurité affective passe aussi par les limites données à l’enfant. Les règles sécurisantes ont pour but de le protéger, de le sécuriser et d’en prendre soin.

Niveau 3 : Le besoin d’appartenance à un groupe
Lorsque l’enfant participe à des activités communes, avec d’autres enfants, cela lui permet de confirmer son existence par la place que lui donnent ses camarades dans le groupe.

Niveau 4 : Le besoin de reconnaissance, d’estime de soi
L’enfant a besoin d’être reconnu comme une personne à part entière, respectée et estimée pour ses capacités, ses émotions, ses sentiments. Mais l’enfant a aussi besoin de s’estimer lui-même. En se connaissant et en se reconnaissant, il apprend à reconnaître ses capacités et donc à améliorer son estime de soi.

Niveau 5 : Le besoin de se réaliser
L’autonomie, c’est être capable d’évoluer librement pour faire ses propres découvertes tout en étant soutenu de façon discrète et sécurisante par un adulte. Cela ne signifie ni liberté totale ni isolement. Il faut savoir laisser l’enfant libre d’être lui-même tout en satisfaisant sa demande affective. Il faut éviter de faire à la place de l’enfant. Pour développer ses compétences et son autonomie, il a besoin de faire des expériences et « ratages ». Il doit les faire seul, mais l’adulte est à ses côtés, dans une attitude d’accompagnement. Par le jeu l’enfant peut s’autoriser à ne dépendre que de lui-même sans trop de risques : il sait qu’il est sous la surveillance de l’adulte. Ce besoin d’autonomie est avant tout une affirmation de soi, de sa valeur personnelle.


L’ATTACHEMENT

D’après Donald Winnicott, « un bébé seul n’existe pas ». Chez l’humain en particulier, le nourrisson est totalement dépendant de ceux qui s’en occupent. Sa simple survie dépend de l’adulte, c’est pourquoi le bébé humain est « programmé » pour attirer l’attention, capter le regard, provoquer la relation.
Les comportements d’attachement définis par John Bowlby (étreinte, succion, sourires, cris) servent à créer ou restaurer l’échange et la proximité avec autrui. John Bowlby s’est appuyé sur des expériences et travaux éthologiques pour démontrer le besoin primaire d’attachement. Les figures d’attachement (ou même les objets, comme le doudou) sont des êtres privilégiés qui permettent au bébé de se développer en sécurité.
Il n’existe pas qu’une seule figure d’attachement pour le bébé. Toute personne prodiguant des soins (répondant aux besoins fondamentaux) de façon stable et chaleureuse peut être une figure d’attachement (mère, père, grand-parent, infirmière en néonat
, assistante maternelle, référente en crèche…) : bien sûr, là, nous faisons un petit pied de nez aux personnes qui prônent l’accueil des enfants en crèche par peur d’un trop grand attachement à l’assistante maternelle… il ne faut pas craindre l’attachement pour plusieurs personnes, mais au contraire le favoriser, pour le bien de l’enfant. Ce dernier saura de toute façon créer ces liens privilégiés, même au sein d’un accueil collectif, car il en a besoin.
Dans un premier temps, bébé porte le même intérêt à tout partenaire humain, dans un second temps, il a une réaction plus rapide aux partenaires privilégiés. Enfin, vers 6 mois, les personnes ne sont plus interchangeables et des comportements négatifs apparaissent en cas de séparation avec la figure d’attachement.

L’attachement ne rend pas dépendant, au contraire, il instaure la confiance qui permettra à l’enfant l’ouverture au monde et aux autres, il permet le développement d’une véritable autonomie. L’attachement amène une sécurité de base qui permet une gestion des émotions adaptée et une exploration du monde sécurisée.
L’attachement exprimé dans le besoin de proximité varie en fonction de l’âge de l’enfant et de son développement (intense proximité de la figure d’attachement indispensable pour le bébé, disponibilité de la figure d’attachement vers 2 ans, accessibilité de la figure d’attachement vers 3-4 ans).
Les figures d’attachement créent la capacité de résilience (capacité de mettre en place des repères ) d’après Boris Cyrulnik. La résilience est un phénomène psychologique qui consiste, pour un individu affecté par un traumatisme, à prendre acte de l’événement traumatique pour se reconstruire. La résilience serait rendue possible grâce à la structuration précoce de la personnalité, par des expériences constructives de l’enfance.


LA SÉPARATION

La séparation est une des premières « situations difficiles » vécue par un enfant: elle remet en cause son lien d’attachement et son besoin de sécurité. Il est important d’aider l’enfant à trouver plusieurs figures d’attachement et de créer la stabilité nécessaire à son développement.

Le rôle de l’assistante maternelle: les liens d’attachement servent de régulateur au sentiment de sécurité, ils allègent la détresse, le stress face à des émotions négatives. Il est primordial de favoriser la continuité et la formation d’attachement du bébé vers le professionnel qui l’a en charge.

L’assistante maternelle ne prend pas la place des parents, elle n’altère en rien les liens existant avec les parents. Mais une séparation doit être compensée par d’autres liens. La relation entre les parents et l’assistante maternelle est donc primordiale et ces derniers doivent être sensibilisés au phénomène d’attachement, pour le bien de leur enfant.


Il est nécessaire de prendre en compte l’équilibre entre appartenance et individuation. Pour le nourrisson, l’Autre est la même personne que lui. Puis, en grandissant, le bébé comprend que l’Autre n’est pas lui, du coup, l’Autre n’est pas toujours rassurant, voir les travaux de Spitz (« De la naissance à la parole »)sur la « bonne mère » et la « mauvaise mère ». Le nourrisson les perçoit d’abord comme différentes avant de réaliser qu’il s’agit de la même personne. La « mauvaise mère » est celle qui refuse la satisfaction de ses désirs et envers laquelle il dirige son agressivité. La « bonne mère » est celle qui assouvit ses désirs et à laquelle il montre son amour. Progressivement, les frustrations deviennent supportables parce qu’elles annoncent une satisfaction prochaine. Ce renoncement momentané au prof
it d’une satisfaction ultérieure est à l’origine du principe de réalité. Cette peur de l’Autre se manifeste par une angoisse de séparation.
Chez l’assistante maternelle, le temps de séparation est un temps difficile: il ne faut pas cacher la séparation en distrayant l’enfant, il faut faire le lien entre les deux univers, ne pas se placer en rival mais rassurer en établissant la continuité.
Caroline Eliacheff (« A corps et à cris ») note: « disqualifier les parents pour un enfant de moins de trois ans, c’est disqualifier l’enfant en tant qu’enfant de ces parents là ». L’enfant a besoin d’être écouté et respecté, d’être pris en compte dans ses émotions, de comprendre ce qui se passe et de sentir qu’il est compris. On peut inciter à l’échange plutôt qu’à la confrontation avec des « questions de curiosité » (par ex: à ton avis, comment pouvons-nous arranger ça? que pouvons-nous faire?) L’enfant a avant tout besoin de stabilité.

L’enfant va en priorité se diriger vers sa figure d’attachement en cas de détresse. La capacité d’accepter des séparations de plus en plus longues témoignent de la mise en place d’un modèle qui permet à l’enfant d’aller vers l’autonomie.


17 comments on “Gérer les situations difficiles (1)

  1. Très bien comme formation, enrichissante. Et très bien expliqué madame! Tout à fait d’accord avec toi.
    J’adore la 1ere photo… Serait-ce Lucas??

    • Eh oui! Les photos non masquées sont bien mes bébés… au siècle dernier!
      Pour ce qui est du compte rendu, j’ai essayé de synthétiser, bien sûr et je vais faire plusieurs parties pour que ce ne soit pas trop ennuyeux. C’était vraiment très instructif et cela m’a permis de me remettre en question, de chercher à améliorer mes pratiques même dans les petits gestes du quotidien (même si je ne suis pas confrontée en ce moment (et jamais j’espère) aux situations extrêmes évoquées lors de cette formation.)

  2. pas le temps de lire tout de suite mais je reviens dévorer ton compte-rendu, je remarque que ta formatrice ne vous a pas livré de solution clé en mains, alors c’est une bonne formatrice pour mon point de vue.

    • Comme tu dis, je l’ai trouvée très astucieuse: elle a provoqué notre propre réflexion au lieu de nous servir la connaissance sur un plateau.

  3. Rien à voir, mais j’aime bien la bouille de la première photo avec à sa droite une bien belle vidéo ou la ‘tite bouille à biiiiiieeeeeen grandit!!!

    XD

    • En effet, toujours la même coupe avec la houppette, toujours un habit rouge, mais un peu moins de joues! Ça creuse, le sport de compète!

  4. Merci bcp pour ton compte rendu je voulais la faire aussi mais manque de temps…. Je vais faire « La relation entre les pârents, l’enfant et l’ass mat »

    • Je pense que tous les sujets sont bons à prendre, ça ne peut pas nous faire de mal de réfléchir un peu, au milieu de notre tourbillon de biberons, poussettes, comptines, pots de peinture et pots de chambre!

  5. ça y est je suis revenue lire. très bien rapporté. j’ai eu le plaisir d’apprendre quelque chose de nouveau et qui m’interpelle énormément :
    « vers 6 mois, les personnes ne sont plus interchangeables et des comportements négatifs apparaissent en cas de séparation avec la figure d’attachement ».
    donc comment fait-on quand les mamans prennent 6 mois de congé parental ?
    parce qu’effectivement parfois il y a des souffrances ENORMES à sa séparation après les 6 mois du bébé, quand on commence l’adaptation, avec un petit cela vient de se terminer mais nous aons commencé l’accueil en janvier et il a souffert jusqu’en septembre. je trouve moi aussi ça trop pénible et pourtant, les parents n’avaient pas le choix et confiance en moi. fusionnel avec sa maman, endormi dans les bras, etc. maintenant il m’a acceptée et les copains aussi.
    faut-il refuser les enfants après 6 mois ? ça m’intéresse beaucoup car je vais avoir en décembre un petit de 9 mois…qui est exclusivement nourri au sein et n’a jamais été gardé même par son père… au secours. c’est le 3 ème de la fratrie que je garde.

    • Je te comprends, mais je pense qu’au lieu d’être un sujet d’inquiétude, ces périodes difficiles de séparation (6, 9, 15 mois) doivent justement requérir toute notre attention. Elles nous confortent dans l’idée que notre rôle est important pour aider l’enfant à trouver d’autres figures d’attachement et lui permettre de quitter en douceur l’état fusionnel qui n’est bon ni pour l’enfant ni pour la mère. Comme tu le dis, les bébés que tu as accueillis ont fini par accepter leur super nounou et les copains! Heureusement! Ce sont des périodes difficiles et c’est en cela que nous devons être vigilantes, redoubler d’attention et de bienveillance… quelle chance de vivre ces périodes chez nounou (et pas en collectivité, oups! vilaine Lau!)

  6. oui, tu ne peux pas faire autrement qu’y consacrer toute ton attention !!! dans un cas c’était si difficile que j’ai dû supprimer 2 jours d’accueil à l’un des enfants pour pouvoir accueillir le plus anxieux qui était refusé à la crèche à mi-temps avec chez moi (à cause de son anxiété terrible)…

    tiens j’ai trouvé des points communs dans cet article http://psychology-lessons.blogspot.fr/2008/01/lattachement.html
    ce qui est curieux c’est que dans la même fratrie, avec les mêmes parents et la même ass mat, un bébé accueilli à 8 mois, ne présente pas forcément de douleur à la séparation, c’est à dire qu’il montre sa joie de venir en accueil alors que son frêre pleure avant que la mère ne commence à se détacher de lui…je pense que ce n’est pas lié à l’âge ni à l’éducation mais à la personnalité génétique de l’enfant. enfin, je ne suis pas encore Freud n’est ce pas ? je me soigne en tout cas.

  7. Oui, tu as sûrement en partie raison, mais il y a aussi un vécu qu’on ne maîtrise pas (conditions de la grossesse, stress de la maman ou pas, son propre rapport par rapport au rang dans la fratrie, etc…). C’est vrai que tu as dû affronter un cas extrême. J’ai une amie qui a vécu la même chose avec 2 frères… mais là encore, toute la bonne volonté de l’ass mat ne suffit pas et il faudrait aussi que les parents fassent un grand travail préparatoire avant l’accueil (quel que soit l’âge) qui est rarement effectué, les parents étant eux-mêmes englués dans leurs propres sentiments, culpabilité,détresse, incompréhension, etc…
    Courage tout le monde!!!

  8. Merci pour cet article qui me conforte dans mes discutions avec les parents, quand je leur explique que la séparation avec l’enfant ne peut que le grandir lui et ses parents ;)

    Le Capitaine

    www.bricole-et-parlotte.com

  9. et oui les parents s’ils en avaient conscience ne mettraient pas leur enfant dans l’embarras. et c’est très délicat pour l’ass mat de remettre la famille dans le bon chemin, ce n’est pas son rôle il me semble, trop intime. il me semble que ça se passe surtout au 1er enfant, ensuite les parents ont compris. la douleur à la séparation, tous les matins pendant 9 mois,et tous les adultes qui souffrent autour, sans compter les autres petits qui ont peur de la peur…mais il est très bien ton article, merci beaucoup pour la technique. depuis que mes 2 zozos ont accepté de laisser partir leurs mamans, nous sommes vraiment tous libérés. sauf que je dois encore gérer la peur du dodo.
    …oui c’est pointu ce boulot.

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