Les apprentissages: compétences, difficultés

Par un beau samedi ensoleillé, que font nounoulau et ses collègues de l’association ARDEPAMF? Elles se retrouvent à Salon de Provence en compagnie de Patrick Mauvais de l’association Pikler Lòczy France, pour une conférence sur la petite enfance, bien-sûr!


L’association Pikler Lòczy France est un centre de recherche, de documentation et de formation sur la petite enfance et sur la notion de soin aux personnes en situation de dépendance.
Elle
s’appuie sur les travaux d’Emmi Pikler (pédiatre hongroise) qui fonda la pouponnière de Loczy où on pratique un type de soin original, basé sur les interrelations chaleureuses, dans un environnement stimulant mais réconfortant.
Patrick Mauvais est conférencier, membre et formateur au sein de l’association, psychologue éducateur de jeunes enfants, à l’expérience variée sur la petite enfance, au passé professionnel en pouponnière sociale, crèches familiales et collectives.


Les apprentissages chez l’enfant: compétences et difficultés

Notre conférencier part du constat que nous vivons dans une société pressée et propose de s’interroger sur les incidences de ce besoin de vitesse et d’efficacité. Il remarque que les adultes voudraient ajuster le rythme spontané des enfants au rythme effréné de la société. Comme si il était urgent d’équiper les enfants en vue de la compétition socioéconomique. Le rythme ainsi imposé aux enfants est fait d’accélérations et d’anticipations… ce qui ne correspond pas du tout au rythme des apprentissages chez l’enfant.

Pour reconnaître le rythme spontané du développement de l’enfant, il faut beaucoup d’attention, d’observation, de patience. Pour accompagner les apprentissages et leur intégration, il faut respecter les besoins et les rythmes propres à l’enfant. Accompagner ne signifie pas précéder ni imposer. Il faut accepter que le développement suive des étapes successives qu’il ne faut pas brûler.

L’activité autonome, le développement de la pensée, la construction de l’intelligence sensorimotrice, tout part de l’expérience corporelle chez le nourrisson et il ne sert à rien de le bousculer pour accélérer les choses!

0/4 mois:
Tout d’abord, le nourrisson est soumis à divers processus physiques (ingestion, excrétion, respiration, premiers mouvements, tourner, bouger, attraper, ramper, marcher…) qui vont lui permettre d’éprouver d’importantes expériences, mais sans avoir besoin d’utiliser d’
objets extérieurs au corps.


6/9 mois:
Après avoir fait des progrès dans ses propres capacités posturales et motrices, le bébé élargit son périmètre d’expérience, d’exploration et de découvertes, ce qui permet une évolution naturelle des champs des capacités. (cf Henri Wallon « De l’acte à la pensée »). Chaque action apporte un enseignement qui permet d’acquérir des représentations mentales qui se complexifient au fur et à mesure.

9/12 mois:
Étape considérable dans le développement de l’enfant, il acquiert la compréhension de permanence de l’objet (ce qui est caché continue d’exister, cf Jean Piaget qui situe cette acquisition vers 18/24 mois). Ce progrès marque l’accès au stade symbolique, condition fondamentale pour apprendre à parler et permet la construction de l’intelligence.

Toutes ces étapes doivent se dérouler dans des conditions favorables dans l’environnement quotidien, afin d’être optimales: un espace adéquat, une sécurité physique, des objets adaptés aux intérêts et capacités de l’enfant, une tranquillité d’esprit. C’est là qu’intervient le rôle de l’adulte éducateur qui met à disposition de l’enfant cet environnement: un espace physique réconfortant (ni trop vaste ni trop étriqué) mais aussi stimulant (objets proposés adaptés à l’âge de l’enfant, permettant des activités riches et créatives) et la sécurité physique (dangers écartés = tranquillité d’esprit de l’adulte et de l’enfant). L’adulte, dans ces conditions, peut avoir une attitude d’observateur à distance, afin de laisser l’enfant découvrir par lui-même, grâce au jeu et à la répétition et faire ses propres apprentissages en toute sécurité affective et physique.

La base de la sécurité des enfants accueillis pourrait se résumer à ces trois points: permanence des personnes, de l’espace et du temps. Cela crée un environnement fiable, prévisible. Cela permet aux apprentissages de se faire dans un climat optimal.

L’attitude de l’adulte doit être égale: les mots et les gestes doivent être en accord, ce qui apporte le réconfort. Le regard lui-même est important, il est le signe d’un partenariat, d’une relation qui n’est pas à sens unique et permet à l’enfant de développer une image de soi valorisée.


Soutenir le développement de l’enfant c’est mettre en corrélation les mots et les choses, faire un travail de liaison. Pour apprendre à parler, l’enfant doit en avoir envie, il doit découvrir que les mots désignent les choses mais aussi le monde interne.

Les apprentissages sociaux:
La socialisation ne se fait pas, comme la plupart des gens imaginent, au moment où on plonge l’enfant dans le groupe (à la crèche ou à l’école, par exemple!) La socialisation commence dès la première relation avec une personne investie, dans la reconnaissance et le partenariat. La socialisation du nourrisson se fait par la qualité de l’attention, la prise en compte des petits messages non verbaux émis par le bébé. Il se sent considéré et devient capable d’individuation (prise de conscience de soi). Il ne se sent plus comme un tout informe, mais comme une unité de personne. C’est la socialisation primaire, elle doit précéder le groupe! Vivre en groupe n’est pas toujours socialisant, loin s’en faut!

15/18 mois:
L’individuation. La fameuse période du « NON! » marque non le caprice, mais le besoin de s’opposer pour se poser, le besoin d’affirmation de soi. L’adulte ne doit pas se formaliser de ces « non » répétitifs et parfois illogiques, il doit au contraire accompagner, aider l’enfant à comprendre que prendre conscience de l’autre ne signifie pas forcément perdre conscience de soi. L’autonomie c’est se donner les possibilités d’accepter et de suivre les règles. Il faut, bien-sûr qu’elles soient cohérentes et structurées, peu nombreuses et succinctes. Elles permettent d’éviter le paradoxe et la violence qui en découlent, elles doivent créer un climat émotionnel stable.
La confiance en soi ne va pas sans la confiance en l’adulte: elle doit être méritée et justifiée, correspondre à des limites à donner, et non à imposer. Les limites doivent être conçues comme un don, un point d’appui pour l’enfant, rassurant et non étouffant.

Le jeu libre:
L’adulte, dans son accompagnement du développement doit pouvoir observer l’enfant quand il joue, cela lui permet d’accéder à la vie psychique de l’enfant. Jouer est une activité sérieuse pour l’enfant. Il permet de développer la dimension relationnelle, affective et cognitive. Un enfant qui joue bien acquiert une expérience qui lui permettra de bien travailler plus tard.

Enfin, la conférence s’est terminée sur une projection (incontournable!) d’un extrait du reportage sur la pouponnière de Loczy où nous avons pu observer l’attitude de l’adulte lors des conflits entre enfants du même âge. Intervention verbale sereine, proposition de solutions adaptées et adoptées par les enfants en bas âge. Bref le meilleur des mondes dans lequel chaque éducateur présent dans l’assemblée rêve de baigner chaque jour !


 

 

8 comments on “Les apprentissages: compétences, difficultés

  1. waouh riche en information et très intéressant pour avoir un œil nouveau sur ce que l’on vit ou expérimente au quotidien dans note travail et qui parfois relève de l’instinct ou de l’intuition !!

    • Oui, mais le problème avec ces conférences, c’est qu’on y va avec des prérequis et on sait qu’on sera déjà d’accord…

  2. Mais il est toujours bon de se rappeler, de réviser lorsqu’on est plongé dans le rythme endiablé du quotidien,du ronron (même à 100 à l’heure) de l’habitude.donc 5/5 la conférence.

    • Oui! Aujourd’hui j’ai passé ma journée à adopter un comportement bienveillant et non intrusif! Ce que je fais la plupart du temps, mais aujourd’hui c’était avec du recul!

  3. Ahh ben ça faisait longtemps que j’étais pas venue sur ton blog (dont je ne reçois plus les notifications…)

    J’aime la notion de confiance mutuelle dont tu parles!
    Le jeu libre est aussi très important.

    Bref, merci pour ton résumé de cette conférence.

    • Hello! Merci pour ta visite! Il m’arrive la même chose! J’ai beau me réabonner aux newsletters des copinautes, ça ne marche plus! Je dois vous retrouver à l’aveuglette sur le net! GRRRR!

  4. Vraiment intéressante cette conférence.
    Toujours bien de se remettre dans le questionnement
    « que puis je faire pour encore mieux accueillir ces bambins »

    J’ai du mal à te suivre nounoulau, plus de messages lors de la parution de tes articles…mais je te trouve toujours hi hi hi !!!
    Laurence nounouaplouay

    • Ah ben c’est pareil pour moi!!! Mon ordi a ENCORE planté cet été et depuis je ne reçois plus de newsletters de personne! Moi aussi je vais te retrouver! Bises

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